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Sovcomflot : le gaz venu du Nord

En 1973, le gouvernement de l’URSS dirigé par Nikolai Podgorny, décida de créer une première société maritime complètement séparée de la flotte régulière commerciale appartenant à l’Union Soviétique. L’objectif de cette nouvelle compagnie est alors d’acheter des navires neufs construits à l’étranger et les mettre sur le marché de l’affrétement international. Le segment visé est celui du vrac liquide, principalement des hydrocarbures, et les deux premiers tankers de 40 000 tonnes de capacités sont mis en service pour la compagnie en 1976. Alors que l’entreprise connait une croissance phénoménale, elle devient en 1988 une des toutes premières sociétés publiques russes à pouvoir recevoir des investissements privés étrangers. Elle est alors baptisée Sovcomflot Joint-Stock Company (SCF). En 1990 avec la chute de l’URSS, la plus importante compagnie maritime de Russie s’ouvre au monde et doit se réorganiser afin de répondre aux standards internationaux. C’est ainsi que depuis 1990, SCF s’impose comme un des leaders mondiaux du transports d’hydrocarbures par la mer et se montre en spécialiste incontournable du transport et de l’extraction d’hydrocarbures en Arctique.

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Détenue à 82% par l’Etat Russe, Sovcomflot, Современный коммерческий флот en russe, comprenez « Flotte Commerciale Moderne », est aujourd’hui dirigée depuis St Petersbourg, possède son centre financier à Chypre, une partie des affrétements sont gérés depuis Londres et le management de la flotte est basée à Dubai ! SCF emploi par ailleurs près de 8000 personnes à travers le monde et fait naviguer pas moins de 134 navires. Nous allons voir en détail dans cet article SCF, sa flotte mais également ses projets en Arctique russe et son implication dans la formation maritime de son pays.

La flotte

La flotte SCF est séparée en trois branches. Le transport de produits pétroliers, le transport de gaz et les services offshores. Avec 134 navires, SCF fait de la navigation en zone polaire une de ses spécialités. En effet, 80 de 144 navires ont des coques classées « glaces » et SCF possède également les premiers méthaniers brise-glaces au monde afin de pouvoir exporter le produit extrait dans les eaux territoriales russes au large de la Sibérie. De plus, pour respecter les engagements de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) concernant les émissions de gaz polluants, SCF s’engage d’ici 2025 à exploiter 40 navires propulsés au GNL (gaz naturel liquéfié) et vise d’ici 2050 la construction de navires uniquement propulsés au gaz.

Les transporteurs de produits pétroliers 

Avec 125 pétroliers (120 en navigation et 5 en construction), SCF est le premier exploitant au monde de ce type de navire puisque 99.9% de sa flotte est possédée en propre par le groupe et non affrétée.  Concernant le transport de produits pétroliers nous retrouvons des transporteurs de brut classiques Aframax, Suezmax, VLCC, allant de 80 000 tonnes de capacité à plus de 320 000 pour les deux VLCC du groupe.

Quelques transporteurs de pétroles brut mis sur le marché de l'affrétement international. Ils naviguent sous contrat avec les principaux groupes pétroliers (Total, Shell etc).

Depuis 2018, six navires types Aframax ont été remotorisés au GNL.

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SCF exploite également une grosse quantité de plus petits navires pour la desserte locale de plus petits ports. Avec une taille moyenne de 180m et pour la plupart possédant une coque classée « glace » pour la navigation en zone polaire, ils sont spécialisés dans le transport de produits raffinés et placés sur le marché de l’affrètement international ou alors sont spécifiquement attribués à des champs pétroliers. 

​Enfin, la flotte comporte également des Shuttle Tankers, des navires possédant un module à l’avant afin de pouvoir se connecter directement aux plateformes pétrolières.

Les gaziers

C’est sur ce point que SCF tend à se développer depuis son entrée sur le marché gazier en 2006. Hormis les quatre petits transporteurs de LPG, SCF possède 13 transporteurs de LNG (Liquefied Natural Gaz) avec 15 autres en commande et livrables dans les prochaines années.

Depuis 2009 la Russie est le 16ème pays au monde capable de produire et d’exporter du gaz liquéfié. C’est ainsi que s’est créé un des plus ambitieux projets de la compagnie sur lequel nous reviendrons, le Yamal LNG project. Le Yamal LNG Project comptera à terme pas moins de 15 gaziers brise-glaces surpuissant capables d’aller charger près de la péninsule de Yamal en Sibérie à plus de 70 degrés Nord.

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Le Sibur Voronezh est un petit gazier transportant du LPG (Liquefied Petroleum Gas) pour le compte de SCF.

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Le SCF Melampus est un méthanier conventionnel type Atlanticmax placé sur le marché de l'affrètement.

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Le Boris Vilkitsky à Rotterdam et le Nikolai Zubov au terminal méthanier de Zeebrugge. Ils sont tous les deux des méthaniers brise-glaces affectés au Yamal LNG Project.

Enfin, SCF est présente dans les activités offshores en Océan Arctique avec 10 supply brise-glaces et un navire de recherche sismique, le seul navire affrété de la flotte !

Les projets dans le Grand Nord

SCF s’est spécialisé depuis plus de 10 ans dans l’exportation d’hydrocarbures forées dans les eaux Arctiques Russes au large de la Sibérie. Avec les réserves encore disponibles dans cette région et l’ouverture de la route du Nord Est à la navigation internationale, l’Etat Russe mise sur son littoral sibérien comme un futur principal axe majeur.

Depuis quelques années les projets pétroliers et gaziers se multiplient de l’extrême est, proche du Japon jusqu’au beau milieu de la Sibérie. Les deux principaux projets sont les Sakhalin 1 et 2 opérationnels depuis 2009 et surtout le tout nouvel Yamal LNG project. Chaque projet est un chef d'oeuvre d’accomplissement logistique dans des zones au climat extrême, ou les températures peuvent passer la barre des -45 degrés.

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Le tout premier, le projet Sakhalin se décompose en deux phases. La première phase, la plus ancienne est l’exploitation de champs pétroliers et gaziers en Mer d’Okhostk, située au large de l’ile Russe de Sakhaline, au nord du Japon. Exploité par un consortium comprenant une filiale de l’américain Exxon Mobil, ainsi que des intérêts russes, indiens et japonais, les champs permettent une exploitation millimétrée des ressources. Les trois plateformes résistantes aux glaces sont reliées par des pipelines de plus de 300km jusqu’au terminal sur la cote d’où partent des navires SCF avec des coques renforcées et positionnés à plein temps sur ce secteur afin d’avoir un roulement permanent.

Depuis 2009, la deuxième phase du projet est opérationnelle avec l’ouverture de la toute première usine de liquéfaction de gaz de Russie. Le gaz est transporté via un gazoduc de 800km entre la plateforme et l’usine avant d’etre envoyé une fois liquéfié à un port situé au sud de l’ile de Sakhaline. Deux méthaniers glaces de 145000 tonnes sont utilisés a plein temps pour des exportations vers la Chine, le Japon et la Corée du Sud.

Des supply brise-glaces SCF sont également en permanence sur le champs afin d’assurer la gestion technique.

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Le deuxième projet, le Yamal LNG Project lancé en 2017 est au cœur de l’actualité maritime depuis quelques mois. En effet, par sa géolocalisation en plein Océan Arctique, seule la route maritime dite du Nord Est permet d’y accéder. Mais qu’est ce que le Yamal LNG Project ?

Le Yamal LNG Project est tout simplement le même projet que le Sakhalin Project, mais plus au nord, près de la péninsule de Yamal en Sibérie. Mené par le Russe Novatek, le Français Total et le Chinois Silk Road Fund, l’objectif est de forer du gaz au large de la péninsule de Yamal, de l’envoyer via gazoduc dans l’usine de liquéfaction de Yamalo-Nenets avant de charger le GNL à bord de méthaniers derniers cris dans le port de Sabetta. Ce gigantesque champ, situé dans une des régions les plus éloignées du monde est, par la dureté du défi imposé, un des plus perfectionnés et compétitifs au monde. Avec pas moins de 4 milliards de barils (équivalent pétrole) de gaz, ce champ gazier est classé parmi les plus gros au monde. Pas moins de 200 puits ont été forés afin de pouvoir exporter 16.5 millions de tonnes de GNL par an.

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Qui dit projet hors norme, demande des navires hors normes. Pour le Yamal LNG Project, 15 méthaniers de 172 600 m3 de GNL ont été commandés. Tous classés glaces, leur coque Arc7 certifie le plus haut niveau de coque glace pour un navire marchant en pouvant casser 2.1m de hauteur de glace. Le premier navire, le Christophe de Margerie a été inauguré en 2017 par Vladimir Poutine. Le revers de la médaille concerne l’aspect écologique du projet. Alors que la zone était jusqu’à présent accessible que durant 4 mois de l’année à l’aide de brise-glaces, il est maintenant possible aux supers méthaniers SCF de naviguer toute l’année depuis Sabetta vers l’Europe et durant 6 mois vers l’Asie, instaurant d’années en années de nouveaux records de précocités quant à la date d’ouverture de la route du Nord Est. (Photos Christophe de Margerie à Montoir, par V.Massais).

 

SCF travaille sur d’autres champs nordiques, à bien plus petites échelles mais toujours aussi complexes, grâce à une flotte polyvalente et des équipages parés aux conditions climatiques extrêmes. (photos copyright SCF)

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SCF et la vie maritime russe

En plus de ses activités internationales avec des partenaires venant des principales puissances mondiales, SCF se veut également fédérateur, formateur au sein de la formation maritime russe. En partenariat avec les écoles maritimes de St Pétersbourg, Vladivostok et Novorossiyk, SCF participe activement à la formation des futurs officiers russes en investissant dans les locaux, dans le matériel pédagogique, dans les formations types glaces ainsi que dans les formations du corps enseignant. Chaque années, environ 150 élèves sont embarqués et formés pour certain à la navigation en zone polaire et environ un tiers sera embauché en qualité d’officier chez SCF à la fin de leurs études.

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