Compagnie Méridionale de Navigation
90 ans de cabotage

Eh oui !! Sans en avoir l’air, cette année La Méridionale a franchi le cap des 90 ans ! Pas de célébrations particulières, c’est un secret pour personne, la compagnie traverse une crise importante de son histoire, alors pour Le Maritime, c’est l’occasion de revenir sur l’histoire de l’Armement. Car, fin décembre 2011, c’était le schéma inverse. Le Piana était mis en ligne après quelques mois de retard, érigé en symbole de renouveau. Nouvelles peintures, nouveau slogan, et même nouveau nom de, abandonnant le traditionnel « compagnie méridionale de navigation ». A cette heure, la CMN ne s’était jamais aussi bien portée, surfant sur un succès jamais fulgurant, mais toujours croissant. En près d’un siècle il y a le temps de comprendre les échecs et d’essayer différentes recettes ! Les stratégies d’indépendance et de rentabilité ont toujours été la lanterne pour la CMN et s’est toujours préservée d’une trop grande dépendance à un secteur, et cherchait toujours à s’engouffrer dans des niches prospères. Voici donc l’histoire d’hommes et de familles qui fondèrent un armement sérieux et reconnu encore aujourd’hui.

Alban Giannoni
En 1928 Alban Giannoni, Corse, est à Marseille depuis déjà de nombreuses années. Très rigoureux, il étudie la spéculation boursière et se rend compte que le sucre est prometteur et rachète les raffineries de Méditerranée à Port St Louis du Rhône, les futurs sucres St Louis. Mais les cours changeant et le trafic d’importation imprécis, il ne se révélait régulièrement pas aussi profitable que prévu. Il achète avec un associé une entreprise en faillite, dont ils exploitent les leçons de celle-ci et proposent un service ponctuel et rigoureux. Il se crée alors un trafic de niche entre Marseille, l’Oranais et le Maroc.

Félix Rastit
Parallèlement en 1931, les frères Rastit, notables provençaux, ne sont pas très enclins à se lancer dans l’aventure maritime. En effet Félix et Henri, présentent une retenue certaine quant au négoce, alors que la crise de 29 est assez fraîche. Pourtant, époux des deux filles Giannoni Lucette et Yvette, ils se laissent convaincre grâce au capital avancé sur la table et débutent le cabotage entre Marseille et Agde par la Compagnie Méridionale de Navigation. Mais en 1936 le front populaire éclate, et la concurrence est rendue impossible avec le chemin de fer via la nouvelle SNCF. Dès 1937, la CMN transfert alors ses activités de cabotage sur la Corse, au prix kilométrique du fret sur rail. Pendant la guerre, sous l’impulsion de Lucette Rastit, les navires sont transférés sur l’Algérie, zone libre, ce qui permet de « limiter » à 2 les pertes numéraires.

Photo CMN
En 1946, Alban Giannoni se sépare de son associé et dès 1947 s’associe avec la famille Rastit pour créer l’Armement Giannoni Rastit. Mais cette même année Alban décède subitement. Sa femme Berthe en est l’actionnaire majoritaire, Félix est le directeur général. Parallèlement, cet Armement s’est vu associé trois ans à la Compagnie Navale Worms, sans grand succès, sous le nom de Compagnie Marseillaise de Navigation Giannoni. En 1948, la mise en place du Monopole de Pavillon autorise la CMN, aux côtés de la Transat, à desservir la Corse sur tous ses ports au départ du continent. La Transat récupère le trafic passagers incompatible avec les matières dangereuses et les objets encombrants, qui sont donc attribués pleinement à la CMN ! Avec la conférence sur la Marine Marchande de 1955, ce lien étroit entre les deux compagnies vise à créer une réelle synergie au service de l’île.Puis, vient la guerre d’Algérie. En 1961 le trafic est encore satisfaisant mais les quotas au sortir de la guerre font état de l’exploitation du seul « Nemours » trois mois par an. L’armement cherche donc une utilité à son navire, l’été en Corse les premières années avant l’avènement des cargo-rouliers sur l’île, l’hiver sur Melilla pour le transport d’agrumes. D’autres compagnies se voient éjectées du service France Algérie tombé en peau de chagrin, devant subsister en effet autant de trafic de navire français que de navire Algérien. C’est ainsi que la Compagnie Charles Le Borgne débarque sur les lignes de Corse dès 1963 avec des cargos plus rapides que la CMN, occupant systématiquement les places à quai insulaires avant sa concurrente. La CMN en appelle à la loi et fin octobre, les navires Le Borgne, n’ayant pas de concession sur les lignes corses, quittent définitivement l’île. Au revoir et Merci d’être passé.

Photo R.Simon
Dans les années 70, soit dix ans après le Napoléon de la CGT, la CMN inaugure ses cargo-rouliers à manutention horizontale, les Ville de Bastia et Ville d’Ajaccio, 3 ans après l’Esterel le premier cargo-roulier de la Transat. L’Atlanta, cargo conventionnel, restait cependant au service des ports secondaires. La flotte de l’époque est donc constituée de ces 3 cargos ainsi que du Carnoules en renfort les étés, mais coulé à Ajaccio en 73. Aussi, en 1974, à la suite des décès successifs de Berthe Giannoni, Lucette Rastit, Yvette, et leurs époux, l’Armement Giannoni-Rastit est définitivement absorbé par la CMN. C’est complexe et pas encore fini !

Photo CMN

CP Le Maritime
Maintenant nous sommes en 76 et voici une création d’une filiale que l’on n’avait pas vue venir et dont aujourd’hui un certain Mr Saadé n’y est pas étranger. Avec la mise en place de la continuité territoriale corse le Ville de Bastia se retrouve sans affectation les bras ballants remplacé par le Rhône, plus capacitaire. La CMN créa donc la Compagnie Méridionale d’Affrêtement des cendres de l’Armement Giannoni-Rastit, à destination du Liban. La marchandise est gérée par les sociétés de Jacques Saadé, basé au Liban. L’année suivant la CMA affrète également un porte-conteneurs en supplément sur Marseille>Beyrouth puis dès 1978, la CMN se désengage et Mr Saadé reprend l’intégralité en transformant le 2e mot et devient Compagnie Maritime d’Affrètement. Tiens tiens tiens ça doit vous rappeler quelque chose ? Les capitaux dégagés par la Compagnie Méridionale d’Affrètement sont eux réinjectés dans une nouvelle entité dénommée Compagnie Méridionale de Consignation, qui proposera les navires de la CMN à la disposition de différentes compagnies. Enfin pour être tout à fait complet au niveau des filiales il est également créé la Compagnie Méridionale de Manutention, en effet non contente des temps de chargement de la Société Marseillaise de Manutention la CMN décida de recourir à ses propres services pour le chargement de ses navires. Elle subsistera jusqu’en 87 et la création d’une société indépendante Manumer.
Le dernier épisode quelque peu oublié de la CMN avant de retomber sur des choses plus connues est le rachat en 1984 de la société Lucien Rodriguez alors en redressement judiciaire. Puis de France Euro Tramp en 90 parce que toujours plus. Ces activités sont transférées en 1998 dans la nouvelle Compagnie Méridionale de Navigation International (avec l’accent Attention ça fait peur) et déménagées à l’étranger. Enfin en 1992, STEF-TFE entre au capital de la Compagnie et n’en sortira plu jamais.

Photo Skyfotos
Plus proche de nous en 1987 la modification de la délégation de service public Marseille>Corse prévoit que les cargos puissent embarquer une centaine de passagers l’hiver, ce qui satisferait la demande dans bien des cas en basse saison et éviterait d’armer les coûteux car-ferries. La CMN s’exécute et transforme ses Cargo-mixtes récents qu’elle a déployé dans les années 80, les Porto Cardo et Santa Regina et, bientôt, Girolata. Avec l’ouverture de ses navires aux passagers, la CMN se trouve un nouveau marché de niche : proposer aux passagers une traversée en nombre restreint (max 200 passagers à bord) des traversées chaleureuses et authentiques avec une gastronomie recherchée et un confort appréciable.

CP Le Maritime

doc Le Maritime
Le Kalliste lancé en 1993 en est la plus parfaite expression tant sa décoration est de très bon goût et son confort excellent. Et avec le Girolata (2e) en 2002, on atteint alors l’apogée du service offert aux passagers, très supérieur à ses concurrentes directes, mais également à l’international. Les plats sont préparés à bord sur commande et avec des produits locaux, la musique insulaire réveille les passagers, un petit fascicule, l’Isula, est donné aux passagers… Les navires desservent alors Bastia et Ajaccio et retour tous les soirs en alternance avec les cargos mixtes de la SNCM, et Propriano puis Porto-Torres en Sardaigne dans la foulée) par le Scandola trois fois par semaine.


