Evan Paul - embarqué sur l'Abeille Bourbon lors du naufrage du Grande America (mars 2019)
Lundi 11 mars 2019, 11h : l'Abeille Bourbon part à son coffre abrité à Ouessant car un coup de vent est prévu pour la semaine. Après avoir passé la journée au coffre à entretenir le pont je vais me coucher vers 21h. Vers 00h00 j'entends les 4 moteurs s'allumer et je sens le bateau trembler. Déjà à ce moment je sens qu'il se passe quelque chose mais je me rendors. 1H00 du matin : je sens que le bateau bouge, j'essaye de me rendormir mais 30 secondes plus tard je me sens monter très haut puis redescendre d'un coup en me faisant secouer dans tous les sens. Le bateau tremble énormément, je le sens se stopper quand il rentre dans une vague. Je décide donc de monter en passerelle pour avoir plus d'informations sur ce qu'il se passe. Arrivé là-haut je vois le commandant, le second capitaine et l'officier, tous les trois en train de se tenir aux rambardes car il y a déjà plus de 6 mètres de creux. Je demande ce qu'il se passe et ils m'informent qu'un navire est en feu dans le sud du Finistère et qu'ils font route dessus. Ils ne me donnent pas plus d'informations donc je rentre dans ma couchette pour me rendormir. 8H00 : je descends au carré, je vois le mécanicien en train d'essayer de rester debout à cause du roulis du bateau. Je lui demande alors ce qu'il se passe et il me dit qu'on arrive bientôt sur la zone où le bateau est échoué. J'apprends en même temps que dans la nuit 6 marins de la Marine Nationale ont déjà été hélitreuillés sur le navire.
Je décide donc d'aller en passerelle pour voir ce qu'il se passe. Arrivé en haut je vois tout l'équipage du navire plus les 6 militaires et j'aperçois au loin de la fumée qui se dégage d'une silhouette blanche. En même temps j'apprends que la Royal Navy a fait évacuer tout l'équipage du Grande America et que le navire est en dérive vers La Rochelle. 10H : nous sommes enfin arrivés sur zone où le navire dérive. Je vois alors l'étendue du sinistre. Cela m'a vraiment choqué car le bateau avait une gîte importante et que l'avant du navire était en feu. 10H30 : le commandant reçoit l'ordre de commencer à éteindre le feu avec les 3 pompes fifi au dessus de la passerelle. C'est une opération très impressionnante car l'Abeille Bourbon est à même pas 30 mètres du Grande America.
Pendant plus de 6h d'affilées l'Abeille Bourbon a tenté d'éteindre le feu qui venait en fait du garage en dessous des conteneurs. Plus de 2000 véhicules étaient présents dans le garage ainsi qu'une trentaine de conteneurs avec de la marchandise dangereuse (Classe 5). Certaines de ces boites sont même tombées à l'eau à cause de la gîte et du roulis du navire. Au bout de 6H d'arrosage, les pompes fifi commencèrent à chauffer et même à fumer en machine. 16H30 : le commandant reçoit l'ordre par les militaires de stopper les actions de sauvetage car tout le monde voit bien que le feu ne s'éteindra pas. L'officier essaya alors de négocier un contrat pour passer une remorque mais les autorités refusèrent. C'est à ce moment-là que je me suis dit que c'était fini pour le Grande America malgré tous les efforts de l'équipage de l'Abeille Bourbon. Nous sommes restés à surveiller le navire jusqu'à 21h avec la frégate militaires «Normandie». A 21h nous sommes repartis à Ouessant en laissant derrière nous le Grande America qui sombra le lendemain par 4600 mètres de profondeur.