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Récit : Génavir

Notre planète est couverte à 70% d’eau, et l’Océan est considéré par les scientifiques comme le deuxième poumon de la Terre. Il absorbe une partie du dioxyde de carbone émis par les activités humaines et régule le climat en absorbant de la chaleur à l’atmosphère. A ce titre, il est vital d’apprendre à mieux le connaître afin de pouvoir le protéger. La Flotte Océanographique Française (FOF), dont fait partie le navire océanographique l’Atalante, a pour objectif de permettre à des scientifiques d’horizons et de domaines diverses et variées d’étudier l’Océan directement sur le terrain. En effet, plus de 80% des fonds sous-marins restent inexplorés, ce milieu naturel étant moins connu par l’Homme que la Lune.

Au fil des années, les technologies et les moyens techniques se sont affinés et ont permis de recueillir des données de plus en plus précises. Dans l’optique de cette collecte d’informations, les équipages et les scientifiques embarqués travaillent de concert pour mettre en place l’exploitation d’instruments de mesure et d'engins sous-marins. Au fil des années et des missions, les équipements ont évolué pour s’adapter aux besoins des chercheurs. On peut penser aux ROVs (Remotly Operated Vehicle) ou au Nautile, petit sous-marin habitable permettant d’explorer les profondeurs abyssales. 

Afin d’illustrer le présent rapport de stage avec un exemple concret, mon choix s’est porté sur la mission Manta-Ray, une mission qui s’est déroulée d’avril à fin juin 2022. Son domaine d’étude est la géologie, et elle s’est déroulée dans l’arc des petites Antilles, à l’est d’Antigua et Barbuda. Cette campagne océanographique menée par l’Ifremer a nécessité le déploiement d’équipements conséquent. Afin de mieux connaitre la nature sous-marine de cette zone, nous avons mis en oeuvre notamment le sondeur multifaisceaux, la sismique et le carottage. Ayant embarqué à l’occasion de mon contrat de professionnalisation sur l’Atalante durant la deuxième partie de la mission Manta-Ray, j’ai pu assisté à l’utilisation de la sismique réflexion. La sismique est une technique utilisée pour cartographier les structures souterraines en utilisant des ondes acoustiques. Elle est couramment utilisée dans les domaines de la recherche pétrolière, gazière, et de la recherche scientifique.

Après une description générale du navire, c’est donc ce sujet en particulier que j’ai choisi d’approfondir dans ce rapport. Nous aborderons dans un premier temps les objectifs et les besoin de la mission, avant d’évoquer le principe de la sismique réflexion et sa conduite d’un point de vue nautique. 

La passerelle est le centre névralgique de la navigation. Afin de répondre aux besoins de certaines opérations, elle est équipée d’un poste de contrôle à l’arrière ou il est possible de déporter les commandes pour avoir la main sur la propulsion et la barre tout en ayant une vision sur la plage arrière, à l’image des navires de pêche. La passerelle avant est équipée de divers aides à la navigation:

  • Deux radars de marque FURUNO, bande 3 et 10 cm.

  • GPS associé à un système différentiel de corrections RTK

  • Deux lochs, un Doppler (modèle RDI) et un électromagnétique (modèle Ben Anthea)

  • Sondeurs de passerelle (50 kHz et 200 kHz)

  • Pilote automatique

  • Anémomètre

  • Horloge 

En plus de ces instruments réglementaires, le navire est dotés de capteurs nécessaires à la réalisation de travaux océanographiques précis. Ces capteurs auxiliaires sont:

  • Système de positionnement d’engins: Base acoustique Ultra-Courte

  • Courantomètre de type Doppler 

  • Sondeurs multifaisceaux et mono faisceaux - Centrales d’altitudes  

Ces instruments sont tous couplé à CINNA. CINNA est un système électronique d’information et de visualisation des cartes marines ECDIS  homologué (examen CE de type) et conforme aux exigences de l’IMO (International Maritime Organisation) concernant les navires soumis aux réglementations SOLAS. Il a été développé par la compagnie GENAVIR pour répondre aux besoins spécifiques de sa flotte océanographique. Cet ECDIS est composé d’un système principal qui traite les informations et les renvois vers des postes secondaires, permettant le suivi de la route en timonerie avant et arrière, ainsi que depuis le PC scientifique.

Du fait de son exploitation l’Atalante est équipé de plusieurs apparaux de pont. A tribord, deux portiques hydrau-bathy, permettant notamment la mise à l’eau de bathysonde (capteurs permettant d’établir un profil vertical de mesure). Toujours à tribord, plus à l’arrière, on retrouve un portique latéral de carottage qui sert à la récupération de cylindre de sédiments que l’on nomme « carotte ». Pour la mise à l’eau des engins sous-marins et des mouillage, on utilise le portique arrière. On retrouve également une grue océanographique en plage arrière qui a un usage très polyvalent. Il y a deux treuils électriques à l’arrière et un à l’avant pour l’amarrage.

L’Atalante est un navire à propulsion électrique. Les deux moteurs électriques de propulsion (MEP) à courant continu entrainent chacun une ligne d’arbre, chacun d’entre ayant une puissance de 1000 kW. La vitesse nominale est de 150 tours par minute. Pour alimenter les MEP, il faut un à deux diesel-alternateurs de tension 660 V.

La production électrique est assurée par cinq diesel-alternateurs. Trois d’entre eux produisent une tension de 660 V et les deux autres de servitude génèrent une tension de 380 V. 

Les trois DA principaux (1, 2 et 3) de 660 V sont de marque Caterpillar, modèle 3512 B. Ils tournent à une vitesse fixe de 1500 rpm pour une puissance maximale de 1250 kW. Ce sont des moteurs à 12 cylindres disposés en V à 60 degrés. Le démarrage est pneumatique, à air comprimé à 30 bars. Le type de combustible utilisé est le MDO. Les moteurs ont des injecteurspompes électroniques.Il est recommandé de ne pas faire fonctionner ces moteurs à plus de 80% de leur charge mécanique.

Les DA 4 et 5 de servitude 380 V sont un Caterpillar C18 et un Baudoin. Ces moteurs peuvent être utilisés en mer en appoint d’un DA principal ou au port. Le DA 5 fait également office de DA de secours. L’Atalante étant un navire ancien, les normes de sécurité ne préconisait pas encore à l’époque de sa construction que le DA de secours soit localisé au dessus du pont principal. C’est pour cela que tout les DA, y compris celui de secours sont dans le même local en salle des machines.

Le système de gestion de l’énergie assure le contrôle complet de la production d’énergie à bord du  navire. On distingue deux modes de fonctionnement, le mode tableau et le mode PMS (Power Management System). En mode tableau, l’installation est sous contrôle manuel de l’opérateur et le programme de gestion de l’énergie est inhibé. Le mode PMS, en automatique ou semi-automatique, permet de le contrôle de l’installation par le programme de gestion de l’énergie. Il assure les fonctions automatisées de démarrage des DA, couplage, régulation de fréquence du réseau, délestage, etc. La fréquence du réseau est de 50 Hz. 

Le jeu de barre 660 V alimente le jeu de barre 380 V ainsi que la propulsion. Les autres tableaux électriques sont le 380 V régulé, le 220 V normal, le 220 régulé, le 24 V AUT et le 24 V de sauvegarde. On peut noter dans l’architecture de la distribution électrique la présence de groupe de courant régulé. Ils fournissent pour les appareils scientifiques et informatiques un courant stable, qui est sauvegardé par accumulateurs.

La mission Manta-Ray

La campagne océanographique Manta-Ray s’est déroulée à bord du navire océanographique l’Atalante du 30 avril au 27 juin 2022 dans les Caraïbes. La mobilisation et la démobilisation du matériel et de l’équipage s’est faite au port de Jarry, à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. La mission s’est déroulée en deux partie de trente et trente-cinq jours en mer avec une escale au milieu afin d’effectuer l’avitaillement du navire et une relève d’équipage.

L'arc des Petits Antilles est une région sur Terre où une plaque océanique est en train de plonger sous une autre plaque, phénomène nommé la subduction. Lentement, la plaque tectonique nordaméricaine glisse sous la plaque des Caraïbes à une vitesse d’environ 2 cm/an. Généralement, dons les zones de la planète où des plaques entrent en subduction, l’activité sismique est élevée, provoquant des catastrophes naturelles, ce qui n’est pas le cas dans cette zone. La campagne Manta-Ray, menée par des chercheurs de l’Ifremer et du CNRS, propose d’étudier la raison de ce phénomène. 

L’hypothèse proposée par les scientifiques serait que la plaque nord-américaine serait plus riche en eau que les autres plaques, ayant pour effet de limiter les résistances et de fluidifier le glissement. La nature rocheuse de la plaque nord-américaine explique ces propriétés. Elle s’est cristallisée en péridotite, qui se serait transformée au fil du temps en serpentinite. Cette roche, contrairement à d’autre minéraux, est plus fragile et peut contenir une certaine quantité d’eau au sein même de sa structure. Lorsque la plaque s'enfonce dans la zone de subduction, l'eau contenue dans les serpentinite est libérée à des profondeurs comprises entre 30 et 60 km et remonte à la surface de la mer, en formant des volcans de boue par exemple.

Afin d’évaluer la vitesse d’entrée en subduction de la plaque et d’estimer la quantité de liquide qui pénètre dans la croute terrestre, il faut obtenir de l’imagerie. La sismique réflexion permet d’étudier la structure de la plaque sur des tranches verticales et ce jusque’à une profondeur de 18 km. Dans le cadre de la mission, cela permettra de montrer les failles par lequel pénètre l’eau et provoque cette nature de sol si singulière.

Principe de fonctionnement de la sismique réflexion

La sismique réflexion consiste à envoyer des ondes acoustiques depuis la surface. Ces ondes sont générés par des canons à air comprimé à très haute pression, qui envoient des impulsions à intervalles réguliers. La pression d’air requise pour les canons est de 140 bars. Le navire embarque donc à cet effet deux compresseurs d’air dédié pour la mission, implantés dans des conteneurs en plage arrière. Le débit volumétrique d’air produit est de 1200 m3/h. Les canons à air sont fixé sur la source sismique, qui est composé d’un flotteur souple de 12 m.

Ces ondes acoustiques rencontrent des couches de roches différentes sous le fond de l’océan, qui selon leurs caractéristiques de densité et de dureté, les réfléchissent à des angles différents, où les réfractent vers la couche sédimentaire suivante.

Les ondes réfléchies sont ensuite capturés par un dispositif nommé streamer, un filet où se trouvent des récepteurs acoustiques, les hydrophones. Les données recueillies par les hydrophones sont ensuite utilisées pour créer une imagerie de la couche supérieure de la croute terrestre. L’information recueillie est un signal analogique, qui est ensuite traité par des ordinateurs et mise au point par les scientifique en post-traitement.

L’imagerie qui en résulte se présente sous la forme de tranche verticale en deux dimensions.

La flute sismique est l’antenne linéaire acoustique remorqué par le navire, sur laquelle sont fixés les câbles des streamers. Tous les 150 m, on retrouve un contrôleur d’immersion (modèle Compass-Bird) pour vérifier que la flûte est immergée à la bonne profondeur. Sur toute la longueur, il y a des sortes de petits avions d’une envergure d’un mètre, qui permettent de faire plonger la flute en profondeur en cas d’urgence, par exemple à cause du passage d’une embarcation au dessus. Durant la mission, deux trains sismique composé d’une source sismique et d’une flûte était à l’eau, une à bâbord et une à tribord.

La longueur de cet ensemble est de 6000 mètres, ce qui requiert une attention particulière pour la conduite et la veille en passerelle. A la fin du train sismique, il y a une bouée de signalisation, la bouée de queue, équipée d’un feu scintillant et d’un émetteur AIS afin d’indiquer le danger à la navigation.

Lors du démarrage d’un profil sismique, il y a un protocole établi. Lors de la phase de démarrage, le « ramp-up », les canons fonctionnent à mi-régime pendant une demi-heure le jour et une heure la nuit.

Afin d’assurer la protection des animaux marins, en particulier lors des périodes de travail dans le sanctuaire marin Aguoa, la réglementation impose la présence à bord d’observateur de mammifères marins (MMO). Ils effectuent une veille visuelle permanent de jour et une veille d’écoute acoustique la nuit. Leurs rôle est d’inspecter la surface de la zone. Si un cétacé ou une tortue pénètre dans un périmètre de 1500 mètres autour du navire les tirs sismique doivent cesser immédiatement. En effet, les ondes acoustiques produite peuvent désorienter et gêner fortement les mammifères marins présent dans la zone et l’objectif de cette veille est de limiter la nuisance produite. Ces observateurs sont formés à la détection de la faune marine. Ils utilisent des jumelles spéciales pour évaluer la distance des spécimens et sont capables de repérer la trace acoustique des animaux marins.

Conduite nautique de la sismique lourde

Lors de la mission, nous avons principalement utilisé de la sismique dite « lourde », avec des impulsion plus forte que la sismique légère. 

Pour mettre à l’eau le train sismique, le chef de quart passerelle doit venir se placer entre 15 et 20 milles sous le vent du profil à réaliser. Il doit ensuite régler la vitesse du navire à 1,5 noeuds surface bout au vent ou à la mer, en fonction des conditions météorologiques. On débute alors par la mise à l’eau de la bouée de queue. Une fois cette opération effectuée, on augmente la vitesse à 3,5 noeuds en gardant un cap constant pour mettre à l’eau la flûte. Ensuite, on met les canons à l’eau bord après bord en manoeuvrant de façon à ce que la ligne de canons reste bien dans l’axe du rail de guidage, grâce aux indications données par l’équipe de techniciens spécialisés de la sismique.

Une fois les canons à l’eau et la flûte opérationnelle, on règle la vitesse du navire à 5,5 noeuds en surface au maximum. Peut alors débuter l’acquisition des profils. Si il est nécessaire de faire une giration pour se placer sur un autre profil, il faut les effectuer au maximum à une vitesse de 3 degrés par minute. Il est donc nécessaire d’anticiper la durée de giration et la dérive.

Une fois la série de profil terminée, on se replace bout au vent ou à la mer et on remonte en  premier les canons, en veillant à ce qui restent bien dans l’axe du rail de guidage. Pour remonter la flute, on garde un cap constant et une vitesse surface de 2 noeuds. Remettre la bouée de queue à bord.

 On peut voir sur les photos  la remise à bord d’un steamer. La ligne est remontée sur le navire grâce à une poulie en suspension sur le portique arrière (voir partie 1.4) et est trancané sur le touret dédié. Les techniciens spécialisés de la sismique sont assistés par les matelots pour ces opérations.

Lors de l’acquisition sismique, le statut du navire dans le cadre des règles de barre et de route est « navire en capacité de manoeuvre restreinte ». Les autres navires sont tenus de se tenir à distance et de ne pas passer sur le train sismique. En cas de non respect de cette consigne par un autre navire, il est possible, en cas d’urgence, de faire plonger sous la surface la flute afin de sauvegarder le matériel qui est précieux.

Une fois la série de profil terminée, on se replace bout au vent ou à la mer et on remonte en  premier les canons, en veillant à ce qui restent bien dans l’axe du rail de guidage. Pour remonter la flute, on garde un cap constant et une vitesse surface de 2 noeuds. Remettre la bouée de queue à bord.

 On peut voir sur les photos  la remise à bord d’un steamer. La ligne est remontée sur le navire grâce à une poulie en suspension sur le portique arrière (voir partie 1.4) et est trancané sur le touret dédié. Les techniciens spécialisés de la sismique sont assistés par les matelots pour ces opérations.

Lors de l’acquisition sismique, le statut du navire dans le cadre des règles de barre et de route est « navire en capacité de manoeuvre restreinte ». Les autres navires sont tenus de se tenir à distance et de ne pas passer sur le train sismique. En cas de non respect de cette consigne par un autre navire, il est possible, en cas d’urgence, de faire plonger sous la surface la flute afin de sauvegarder le matériel qui est précieux.

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