top of page

La Qatar Energy قطر للطاقة

En 2022, le Qatar, petit pays situé au milieu du Golfe Persique, était le troisième exportateur de gaz juste derrière l’Australie, les Etats Unis conservant leur position de leader. Fort d’une réserve de 24 000 milliards de m3, le Qatar, exploite son gaz depuis son champs dénommé North Field, situé en mer et étant partagé aux deux tiers dans les eaux qataries et un tier dans les eaux iraniennes. Détenant la plus grande poche de gaz au monde et possédant la troisième plus grosse réserve prouvée après la Russie et l'Iran, le Qatar a bâti un véritable empire économique et une place de plus en plus forte au fil des décennies dans le domaine du LNG, le Gaz Naturel Liquéfié.

Fondée en 1974 sous le nom de Qatar Petroleum, celle devenue la Qatar Energy est une compagnie pétrolière et gazière détenue par l’Etat du Qatar. Troisième groupe pétrolier mondial, la Qatar Energy représente à elle seule pas moins de 60% du PIB du Qatar.

La Qatar Petroleum est née tout d'abord d'une découverte, celle du North Field. En 1952, Shell acquis une concession lui permettant d'explorer et d'exploiter la majeur partie des eaux qataries. Durant une vingtaine d'années de petits gisements furent découverts petit à petit, mais la poche principale fut découverte en 1971 par la major britannique. Le champ est titanesque, deux fois plus volumineux que la plus grosse réserve pétrolière située en Arabie Saoudite, la capacité du North Field est alors estimée à 20% des réserves mondiales de gaz. Divisée en trois parties, le North Field se partage entre l'Iran et le Qatar dont une infime partie est exploitée sur les terres.

En 1972, le Qatar commencera alors les préparatifs de l'exploitation de cette vaste ressource naturelle et fondera en 1974 la compagnie nationale Qatar Petroleum. Il faudra attendre 1988 pour que l'Etat lance enfin l'exploitation de son champ et 1996 pour que la première livraison de gaz naturel liquéfié (LNG) soit effectuée. 

South_Pars.gif

Les années passent et l'exploitation de la ressource s'industrialise et s'intensifie. C'est ainsi qu'en 2017, la Qatar Energy annonça l’augmentation de 30% de sa production, la portant ainsi à 77 millions de tonnes annuelle mais visant tout de même les 100 millions, objectif qui sera atteint avant 2024. Mais les ambitions du petit état ne s’arrêtent pas là puisqu’en 2026 commencera l’exploitation du North Field East (la partie est du champ) qui portera la production à pas moins de 146 millions de tonnes par année d’ici 2030.

En plus de ses activités dans le gaz naturel, la Qatar Energy s’appuie également sur un solide réseau de filiales opérant dans la pétrochimie telles que Qatar Petrochemical Company, Qatar Fertiliser Company, RasGas ou encore Qatargas.

Ras Laffan et Nakilat

Afin de pouvoir exporter tout ce gaz dans le monde entier, la Qatar Energy s’appuie sur deux bases solides : une gigantesque flotte de méthaniers et Ras Laffan, le plus gros terminal LNG au monde.

 

Situé sur la cote nord du pays, Ras Laffan est le plus gros terminal méthanier au monde. En 2024, Ras Laffan comptait pas moins de 14 trains de liquéfaction, dont 6 méga-trains - un train correspondant à une unité de liquéfaction de gaz comprenant des compresseurs, des purificateurs et des échangeurs thermiques afin de descendre le produit à -162 degrés – portant ainsi la capacité d’export du terminal à 77 millions de tonnes de LNG par an. Mais la croissance du port ne s’arrêtera pas en si bon chemin puisqu’avec la nouvelle exploitation du North Field East, Ras Laffan se verra doté de 8 méga-trains supplémentaires d’ici 2030, qui portera sa capacité d’export à 146 millions de tonnes par an. De plus, trois nouveaux postes à quai seront ajoutés aux sept déjà construits et dont la plupart peuvent déjà accueillir des Q-Max, les plus gros méthaniers du monde spécialement conçus pour la Qatar Energy.

IMG_5641.HEIC
IMG_5634.jpg

Fondée en 2004, la Qatar Gas Transport Company Limited ou Nakilat, exploitait en 2024 69 méthaniers dont 29 possédés en propre et 40 affrétés auprès de compagnies partenaires. Majoritairement dédiée au transport du gaz de la Qatar Energy, Nakilat a su se bâtir en moins de deux décennies une véritable réputation dans le domaine du gaz naturel liquéfié. En plus de ses navires possédés et ceux affrétés à d'autres compagnies telles que le grec Maran Gas ou l'Australien Woodside, Nakilat opère également des navires d'assistance au sein de sa base de Ras Laffan comme des mooring boats, pilot boats, service boats ou encore des remorqueurs. De plus, avec son chantier de Erhama Bin Jaber Al Jalahma situé au sein du port qatari, Nakilat maitrise totalement la majeure partie de la gestion technique des navires sous son joug. 

Nakilat opère des navires avec les deux principales catégories de cuves. Les navires plus anciens mis en service de 1998 à 2002 sont équipés de cuves sphériques de type Moss alors que les navires plus récents (dont toutes les nouvelles constructions) sont dotés de cuves à membranes conçues par le français GTT (GazTransport et Technigaz). De type Mark III ou NO96, les cuves à membranes permettent une meilleure isolation du produit ainsi qu'un meilleur maintient de la température, limitant ainsi l'évaporation du gaz (boil off).

Le Global Sea Spirit, appartenant à Nakilat et étant affrété à l'américain Cheniere Marketing International. Nakilat exploite exgalement des navires du grec Maran Gas pour le compte de la Qatar Energy. 

Les Q-Flex et les Q-Max

Dans sa flotte de méthaniers, Nakilat ne possède pas que des navires conventionnels de généralement 300m de long pour 174.000 m3 de capacité divisés dans quatre cuves. En effet, Nakilat arme également 31 Qatar-Flex (Q-Flex) et 14 Qatar-Max (Q-Max) qui sont les plus gros méthaniers du monde. Les deux types sont équipés de cinq cuves à membrane et pouvant embarquer de 217.000m3 pour les Q-Flex à 266.000m3 pour les Q-Max. Leur taille est également plus imposante, de 315 à 345m de long pour 54m de large (contre 46m pour les navires conventionnels). En revanche, leurs dimensions ne leurs permettent pas l’accès à tous les terminaux LNG et seul le Qatar et quelques ports en Europe et en Asie leurs permettent d’accoster.

Mis en service entre 2008 et 2010, les Q-Flex, les Q-Max et une grande partie de la flotte opérée pour le compte de la Qatar Energy devient cependant vieillissante, arrivant ainsi au seuil de longévité pour ce type de navire. Pour réponde à cette problématique, la Qatar Energy a lancé un veste plan de renouvellement de flotte qui s’étendra sur près d’une décennie et qui donnera la plus grosse commande de méthaniers jamais enregistrée pour un affréteur.

Le Renouvellement de la Qatar Energy

En 2019, alors que le projet d’expansion du North Field East prenait forme, c’est 60 nouveaux méthaniers qui étaient annoncés par la firme Qatarie. En 2024, année des premières livraisons, c’est d’or et déjà 128 navires qui furent commandés auprès de chantiers sud-coréens et chinois. Les livraisons devront s’échelonner de 2024 à 2031 et comprendront à terme également de nouveaux Q-Flex et 24 Q-Max, une première dans le milieu depuis plus de 20 ans. Plusieurs compagnies possèderont les navires qui seront affrétés à la Qatar Energy et se chargeront de leur gestion technique. Dans ces compagnies nous retrouvons évidemment Nakilat qui en armera 25 dont des Q-Max mais également MOL, K-Line ou NYK pour les compagnies asiatiques. Le chinois COSCO héritera également d’une partie de la flotte, dont six Q-Flex.

DSC_0736.JPG

Le renouvellement de la flotte intervient également avec un changement d'identité visuelle. Terminé le rouge fade.

La France et son pavillon RIF ne seront également pas en reste puisque Knutsen LNG France en exploitera 10 sous pavillon français d’ici 2026 pour une durée de 20ans. La banque JP Morgan en possèdera également sous pavillon étranger et français, via notamment sa filiale parisienne Orion Global Transport.

Les Principaux Trades

Afin d’exporter tout ce gaz, la Qatar Energy cible, en signant des accords avec de nombreux partenaires gouvernementaux et commerciaux, principalement l’Asie, le bassin Indien et l’Europe. En Asie, ce sont Singapour, Taiwan, la Corée du Sud, le Japon et bien sur la Chine qui se fournissent grandement en gaz qatari qui sont principalement desservis depuis Ras Laffan. La majorité des ports asiatiques sont touchés entre 15 et 23 jours depuis le Qatar. Plus proche, l’Inde, le Bangladesh, le Pakistan ou encore le Kuwait (qui importe plus qu’il n’exporte !) sont touchés entre 3 et 10 jours.  En Europe, malgré un transit time rallongé à la suite du contournement de l’Afrique par Bonne Espérance, la Qatar Energy dessert cependant régulièrement le Royaume Uni, la Belgique via Zeebrugge, la Pologne ou encore l’Italie pour la façade méditerranéenne. Depuis l’arrêt du transit par Suez, il faut compter entre 30 et 40 jours pour rejoindre l’Europe depuis le Golfe Persique.

DSC_0385.JPG

Le Q-Flex Al Oraiq à Fos sur Mer.

Également, peu de ports sont capables d’accueillir à minima des Q-Flex et leur taille imposante. Si une grande partie des ports asiatiques et notamment chinois et coréens sont équipés pour, il en est tout autre concernant notre vieux continent. Seulement Fos sur Mer (Q-Flex), Montoir de Bretagne (Q-Max), Swinoujscie en Pologne, Ravenna LNG en Italie, Zeebrugge en Belgique et Milford Haven au Pays de Galles peuvent accommoder des Q-Flex ou des Q-Max. Les autres destinations sont alors desservies par des navires de taille conventionnelle.

L’Amérique du Sud reste le seul secteur du globe qui ne reçoit que très peu de gaz qatari via ses terminaux brésiliens, argentins ou chiliens.

Les Trades

 

Le Qatar est l'un des principaux producteurs de gaz au monde au côté des États-Unis, de l'Australie et de la Russie. Les pays asiatiques, menés par la Chine, le Japon et la Corée du Sud, sont historiquement le principal marché pour le gaz qatari mais la demande a également augmenté de la part des pays européens depuis que la guerre entre la Russie et l'Ukraine a remis en cause les approvisionnements.

Tout comme les autres majors de l’industrie gazo-pétrolière, la Qatar Energy a signé des contrats à long termes avec de nombreux partenaires.

L’Asie et le Moyen Orient

  • Taiwan : 4.000.000 de tonnes par an jusqu'en 2051.

  • Kuwait : 3.000.000 de tonnes par an jusqu'en 2035.

  • Japon : 11.000.000 de barils d’ici 2034, uniquement sur les navires affrétés à la Qatar Energy et appartenant à l’armateur japonais MOL. MOL, avec sa centaine de méthaniers possédés en propre, armera également une partie de la flotte mise en service dans le cadre du projet North Field East.

  • Inde : 8 500 000 de tonnes par an jusqu'en 2048.

  • Chine : La Chine est le principal importateur de gaz qatari. Ses partenaires économiques ont déjà signé plusieurs contrats s'étendant jusqu’en 2050 minimum. Deux d’entres elles recevront chacune 5% de la production d’un train de Ras Laffan, soit 8.000.000 de tonnes annuelle chacune. La China Petroleum Energy recevra quant à elle 4.000.000 de tonnes par an.

  • Bangladesh : 1.800 000 de tonnes par an jusqu'en 2041. Le contrat sera  surement revu à la hausse a partir de 2027.

Suite à la guerre aux portes de l'Europe, de nombreux pays se sont tournés vers d’autres importateurs, notamment Américain et Qatari afin d’être moins dépendant de la Russie. C’est le cas de pays ayant un accès à la mer comme l’Allemagne ou l’Italie mais également de pays totalement enclavés dans les terres comme la République Tchèque ou la Hongrie. Ces pays recevront le gaz via gazoduc après avoir été déchargé en Allemagne ou aux Pays Bas. En Europe, deux majors ont signé des contrats courant jusqu’en 2050 avec la Qatar Energy. L’italien ENI et le français Total Energies.

Avec 1.000.000 de tonnes par an, ENI profite de son terminal offshore en Mer Adriatique, Adriatic LNG, situé à 14km des côtes près de Rovigo et qui peut recevoir des Q-Max. Pour les français, c'est Total Energies qui, avec 3.500 000 de tonnes par an, sera à terme le plus gros importateur de gaz qatari en Europe. Le gaz arrivera notamment par Montoir de Bretagne près de St Nazaire, port qui peut accueillir les Q-Max. Une partie de ce gaz sera redirigé vers la Belgique, alors que le port de Zeebrugge est également touché par les Q-Flex de Nakilat.

En Europe, deux autres ports accueillent régulièrement des Q-Max, Swinoujscie en Pologne et Milford Haven South Hook au Pays de Galles, qui est d’ailleurs le plus gros terminal européen. Milford Haven, comme Adriatic LNG, sont des terminaux construits et possédés conjointement par la Qatar Energy et des partenaires nationaux des pays concernés. 

Golden Pass LNG

En 2024, la QatarEnergy annonça une joint-venture avec ExxonMobil (70%/30%) pour l’exploitation d’un nouveau terminal de liquéfaction aux Etats Unis, Golden Pass, situé sur l’actuel site de Sabine Pass entre le Texas et la Lousiane  qui est exploité par Cheniere avec 30 millions de tonnes annuelle et visant 50. Alors que les navires de la Qatar Energy conservaient historiquement Ras Laffan comme "Home Port", ces nouveaux accords avec des firmes occidentales et américaines donnent lieu à l'arrivée progressive des nouveaux méthaniers bleus au sein des ports américains, notamment de Sabine et Calcasieu Pass.  

 

Avec l'arrivée de la Qatar Energy sur l'important trade USA - Europe, son expansion sans précédent et ses projets toujours plus nombreux dans le Golfe Persique, la major Qatarie profite notamment des difficultés que rencontre la Russie à exporter son gaz afin de développer sa présence dans le monde et de se montrer de plus en plus dominante.

bottom of page